Les opérateurs du BTP sont outrés par les micmacs dans les
marchés publics. La Fédération nationale du BTP a adressé, mercredi 24 mai, une
lettre dans laquelle elle remonte les protestations de ses adhérents qui se
plaignent régulièrement de l’opacité des appels d’offres lancés par les
collectivités territoriales.
Nous avons déjà signalé ces
graves irrégularités suite à une enquête effectuée par l’Inspection générale de
l’administration territoriale (IGAT) (Voir L’Economiste n°3351 du 31 août
2010). L’IGAT avait constitué une commission pluridisciplinaire, composée de
représentants de l’Equipement, d’ingénieurs des collectivités territoriales et
de membres de l’Inspection générale pour mettre un terme aux «comportements
frauduleux de certains bureaux d’études».
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Entre-temps, le nouveau décret
sur les marchés publics est entré en vigueur. A l’évidence, le résultat n’est
pas probant puisque les mêmes irrégularités sont toujours commises, parfois
avec les mêmes bureaux d’études et le même mode opératoire. L’objectif étant
toujours de favoriser les mêmes candidats au détriment de centaines
d’entreprises.
D’ailleurs, dans son courrier
au ministère de l’Intérieur, la FNBTP affirme que les «dérives portent
essentiellement sur des exigences des règlements de consultation qui sont de
nature à restreindre la concurrence et à empêcher la participation de
nombreuses entreprises alors qu’elles sont tout à fait en mesure de réaliser
les projets concernés». En somme, les appels d’offres de certaines
collectivités territoriales seraient parfois taillés sur mesure pour favoriser
des candidats et exclure d’autres.
Certains appels d’offres
comportent des exigences aux antipodes des dispositions réglementaires. Les
professionnels parlent du cautionnement provisoire, fixé parfois à des montants
dissuasifs, dépassant la fourchette habituelle de 1 à 1,5%. Ce qui est de
nature à exclure injustement de nombreux candidats.
Des règlements de consultation
exigent parfois des références relatives à des travaux qui n’ont rien à voir
avec ceux d’un appel d’offres. L’objectif inavoué étant de favoriser les
concurrents qui possèdent justement ces références. Certaines collectivités
territoriales placent parfois la barre très haut en matière de lignes bancaires
dont le montant dépasse celui du marché public lui-même. Là encore seuls les
plus nantis peuvent décrocher le jackpot. Il se peut également que le
concurrent se voie réclamer une série de références minimum pour pouvoir
soumissionner.
Lorsque des opérateurs
décident de s’associer en groupement, ils se voient réclamer chacun des
attestations similaires, sans faire de distinction entre groupement conjoint et
solidaire. «Une disposition qui n’encourage pas la constitution de groupements,
en totale contradiction avec le décret des marchés publics».
Aux yeux de la FNBTP, de
telles exigences «sont de nature à orienter le marché vers des entreprises
déterminées qui se trouvent être souvent des entreprises étrangères». Outre les
règlements de consultation des appels d’offres, la Fédération pointe également
les dysfonctionnements des cahiers de prescriptions spéciales.
Parmi les «aberrations»
relevées, l’on peut citer le renvoi à des textes réglementaires caducs (le
décret sur les délais de paiement et les intérêts moratoires de 2003, par
exemple). Certaines collectivités territoriales continuent à exiger un délai de
30 jours à compter de la date de notification d’approbation du marché pour la
réalisation du cautionnement définitif alors que le nouveau délai a été ramené
à 20 jours par le CCAG-Travaux.
La FNBTP demande au ministère
de l’Intérieur de diffuser une circulaire invitant les collectivités
territoriales à respecter la réglementation des marchés publics, à prévoir des
exigences à même d’élargir l’accès aux marchés aux entreprises compétentes.
Les opérateurs du BTP réclament également l’application de la préférence
nationale au niveau des cahiers de prescriptions spécifiques en réservant 15%
des marchés aux entreprises marocaines. Mais il serait illusoire de penser
qu’une simple circulaire puisse changer quelque chose à la réalité du terrain.
Des «conditions discriminatoires et non
justifiées»
Avant la
Fédération nationale du BTP, la Fédération marocaine du conseil et de
l’ingénierie (FMCI) a déjà saisi à plusieurs reprises le ministère de
l’Intérieur au sujet des dysfonctionnements des marchés publics. La dernière
fois remonte au mois d’août 2016. Dans sa lettre adressée au directeur général
des collectivités locales, au ministère de l’Intérieur, Moncef Ziani, président
de la FMCI, rappelle que certains appels d’offres «comportent souvent des conditions
discriminatoires et non justifiées. Il en résulte que la majeure partie de ces
appels d’offres est attribuée à un groupe très restreint de bureaux d’études
dans des conditions peu transparentes».