Des achats au pif, réalisés sans connaissance des besoins
réels des écoles, collèges et lycées ou de leurs stocks. Matériels didactiques
(craie, cartes, globes, anatomies du corps humain, ordinateurs, instruments de
musique, microscopes,…), matières chimiques pour les laboratoires et
fournitures diverses atterrissent dans les établissements de manière
hasardeuse.
Trop de gaspillage d’argent public! C’est ce que vient de révéler l’enquête préliminaire de la Cour des comptes sur l’acquisition de matériels didactiques et de produits chimiques par les académies régionales d’éducation et de formation (Aref) sur la période 2007-2014 (voir L’Economiste du 30 décembre 2016). Et ça ne date pas d’aujourd’hui…
Trop de gaspillage d’argent public! C’est ce que vient de révéler l’enquête préliminaire de la Cour des comptes sur l’acquisition de matériels didactiques et de produits chimiques par les académies régionales d’éducation et de formation (Aref) sur la période 2007-2014 (voir L’Economiste du 30 décembre 2016). Et ça ne date pas d’aujourd’hui…
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Auparavant, les achats des établissements étaient directement gérés par le
ministère de l’Education nationale et par ses délégations. «Dans les années 90,
aussi, nous étions livrés au hasard. A titre d’exemple, une fois on nous avait
donné un balaie et deux litres d’eau de javel pour toute l’année scolaire.
L’année suivante, avec le changement du délégué, nous avons reçu une
cinquantaine de balaies et une grande quantité de détergents», témoigne un
ancien directeur de collège. Ce qui se passait il y a 20 ans est toujours
d’actualité aujourd’hui. Même si les achats des établissements passent
actuellement par les Aref, en collaboration avec les directions provinciales,
la situation est toujours aussi critique. L’enquête de la Cour des comptes fait
ressortir des dysfonctionnements sur toute la chaîne, depuis le lancement des
appels d’offres, ne respectant nullement les dispositions du décret sur les
marchés publics, jusqu’à la gestion des stocks. Des matériels sans marque
commerciale, sans fiche descriptive et dont la garantie est épuisée à la
livraison, des guides d’utilisation en anglais ou en chinois, des articles non
prévus par le programme scolaire ou complètement inutiles, des fournitures bas
de gamme et des produits sans date de péremption. «Par exemple, la craie qui
nous est livrée est de très mauvaise qualité, elle ressemble à de la pierre.
Les enseignants sont toujours obligés d’acheter une marque meilleure de leur
poche», confie une directrice d’école primaire. Côté stocks, les laboratoires
des écoles sont bourrés de matières chimiques périmées.
La Cour des comptes pointe du doigt le manque de compétence des cadres des Aref
qui sont généralement des ex-enseignants sans qualification dans la gestion et
sans vraie connaissance des procédures
réglementaires.
Registres d’inventaires non conformes, absence d’un système de suivi, des
conditions de stockage inadaptées,… bref, des dysfonctionnements à tous les
étages.
La solution inachevée du Plan d’urgence
Pour un meilleur management, à partir de 2009, l’Education
nationale s’oriente vers l’autonomie des écoles. Le ministère lance un Projet
d’appui à la gestion des établissements scolaires marocains (Pagesm) en
partenariat avec le Canada. Ecoles primaires, collèges et lycées sont dotés
d’une association de l’Ecole de la réussite, composée des membres du staff
pédagogique. A travers le compte de ces associations, les établissements
devaient recevoir un budget annuel de 50.000 DH (moins un DH) pendant 3 ans, à
dépenser dans le cadre de leur projet pédagogique. Mais sans formation en
management et en comptabilité, beaucoup de directeurs ont trouvé du mal à gérer
ce montant inespéré. Les procédures pour leur part étaient compliquées. Chaque
dépense devait, par exemple, faire l’objet d’une inscription dans 12 registres.
Les achats dépassant 500 DH (pour le primaire), pour leur part, devaient donner
lieu à 3 devis contradictoires et à une ouverture des plis. Les formalités
étaient particulièrement lourdes pour les directeurs des écoles primaires qui
sont seuls à assumer la gestion administrative, contrairement aux collèges et
lycées qui disposent de toute une équipe administrative (économes, surveillants
généraux, répétiteurs, agents de service…), même si elle reste insuffisante.
Certains directeurs n’ont donc pas déboursé la cagnotte offerte, d’autres en
ont utilisé une partie. Plusieurs ont décidé de dépenser sans remplir toutes
les formalités. La deuxième tranche n’a été versée en totalité qu’aux
établissements ayant tout déboursé et justifié toutes leurs acquisitions.
D’autres n’en ont reçu qu’une partie, ou rien. Pareil pour la troisième
tranche.
A la fin du Plan d’urgence en 2012-2013, les associations de l’Ecole de la
réussite on été maintenues, mais pas les financements. Quoique, en raison des
lourdeurs administratives, des établissements reçoivent toujours leurs
arriérés. «Nous venons de recevoir il y a une vingtaine de jours un chèque de
près de 30.000 DH à travers l’association», confirme la directrice d’un
collège.
Aujourd’hui, les directeurs recourent à leurs maigres budgets (grattés sur les
frais symboliques d’inscription, photos de classes, pièces de théâtre,…), à
l’apport de l’association des parents d’élèves ou aux dons d’entreprises ou
particuliers pour couvrir leurs besoins. Cependant, l’essentiel du matériel
didactique est fourni par les Aref. «Pour rationaliser les dépenses, il
faudrait offrir plus d’autonomie aux établissements. Cela demandera, néanmoins,
beaucoup plus d’efforts aux directeurs», estime la directrice de collège. Cela
dit, les directeurs, sous-formés, peu motivés et souffrant déjà d’un manque de
personnel administratif, pourront-ils assumer cette responsabilité? Depuis
maintenant trois ans, le ministère tente de former les directeurs au management
(voir article ci-après). Mais là encore, l’opération n’est pas exempte de
points noirs.
Un nouveau modèle grâce au MCC?
Fin juillet dernier, le Millennium Challenge Corporation
(MCC) a annoncé un méga-programme pour les collèges et lycées. Plus de 1,1
milliard de DH ont été mobilisés pour faire émerger des établissements
scolaires d’un nouveau genre, avec un modèle de développement intégré
(leadership, innovation, réhabilitation des infrastructures,…). 28
établissements pilotes ont été sélectionnés dans la région Tanger-Tétouan-Al
Hoceïma. Une centaine est prévue au total, y compris à Marrakech-Safi et
Fès-Meknès. Ils devront concevoir et piloter leur propre projet pédagogique, en
association avec les parents et divers partenaires (entreprises, collectivités,
ONG,..). Si ce modèle d’autonomie élargie des établissements réussit, il sera
généralisé.