L’imputation systématique d’un impôt sur les règlements en
devises aux opérateurs étrangers réalisant des contrats clés en main pollue le
contentieux fiscal. Même au sein de l’administration, on reconnaît qu’il y a un
problème.
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- L’Economiste: Pourquoi la retenue à la source suscite
tant de controverses à l’application? Que dit exactement la doctrine fiscale?
- Asma Charki: L’administration se base généralement sur les
dispositions de l’article 15 du Code général des impôts qui prévoient, en plus
de la taxation des redevances et des rémunérations d’assistance technique,
l’application de manière extensive de la retenue à la source aux «rémunérations
des prestations de toute nature utilisées au Maroc ou fournies par des
personnes non résidentes».
Si l’imposition des redevances ne soulève pas de divergences particulières avec
les administrations fiscales des pays signataires des conventions de non double
imposition avec le Maroc, puisqu’elles concèdent le crédit d’impôt aux sociétés
étrangères au titre des rémunérations soumises à la retenue à la source au
Maroc, il n’en est pas de même pour les rémunérations des prestations de
services. Celles-ci sont qualifiées par les administrations fiscales des pays
étrangers comme étant des bénéfices industriels et commerciaux passibles de
l’impôt sur les sociétés - de manière exclusive - dans le pays de résidence du
bénéficiaire. Elles s’appuient sur les dispositions de l’article 7 du modèle de
la convention fiscale de l’OCDE.
En conséquence, ces entreprises se trouvent doublement imposées au titre de
certaines rémunérations des prestations de services; d’une part au niveau du
pays de source (Maroc) par voie de retenue à la source et, d’autre part, dans
leur pays de résidence au titre des bénéfices industriels et commerciaux et ce
en dépit de l’existence d’une convention fiscale de non double imposition.
- Comment sortir du piège sur les contrats
«clés en main»?
- C’est effectivement une des difficultés rencontrées par les opérateurs
étrangers qui, dans le cadre de la réalisation de «contrats clés en main» avec
des sociétés marocaines, procèdent à la constitution d’un établissement stable
au Maroc auquel seraient rattachées les rémunérations perçues dans le cadre
dudit contrat. Ces mêmes opérateurs se trouvent toutefois soumis
systématiquement à la retenue à la source au titre des paiements à l’étranger
des rémunérations d’études techniques ou d’assistance technique et ce quand
bien même, lesdites rémunérations restent passibles de l’impôt sur les sociétés
au Maroc dans le cadre du résultat fiscal déclaré par l’établissement stable ou
la succursale créée au Maroc.
Il y a lieu de souligner également que ces difficultés ont été résolues
pour le cas des fournisseurs français au regard de l’instrument bilatéral
conclu entre la France et le Maroc et qui permet d’admettre la mixité du
contrat clés en main et la ventilation de ses différentes composantes pour
qu’elles soient traitées différemment sur un plan fiscal. Ce faisant, les
rémunérations d’études techniques fournies par les fournisseurs étrangers et
liées au contrat clés en main peuvent être soumises à la retenue à la source
sans pour autant être rattachées à l’établissement stable.