06/07/2012

MARCHÉS PUBLICS/CONCURRENCE LES VIEUX DÉMONS TOUJOURS LÀ

AVEC des budgets annuels variant entre 100 et 120 milliards de DH, et presque 60% des dépenses de l’Etat, les marchés publics constituent un vrai levier de la dynamique économique. Néanmoins, l’importance des montants mobilisés suscite l’intérêt des opérateurs économiques et fait des marchés publics un terrain où les pratiques anticoncurrentielles sont très présentes.
C’est pour effectuer un état des lieux et proposer des pistes d’amélioration que le Conseil de la Concurrence a lancé une étude sur le niveau de concurrence dans les marchés publics. Ce travail, réalisé par le cabinet Mazars Mesnaoui, a été présenté jeudi dernier à Rabat. Il penchait plus vers les aspects théoriques en mettant peu l’accent sur la problématique de la corruption dans ce domaine. Khalid Bouayachi, rapporteur général du Conseil de la Concurrence, a tenu à préciser que les conclusions de cette étude ne reflètent pas la position du Conseil. Celui-ci devra recouper les recommandations du cabinet avec les propositions des autres intervenants comme les responsables des administrations publiques ou les représentants des entreprises soumissionnaires aux marchés publics. Globalement, «la concurrence entre les soumissionnaires est le principal fondement de tout le système des marchés publics», a rappelé Nabil Bayahya, directeur associé au cabinet Mazars. Il a souligné que le décret 2-06-288, fixant les conditions et les formes de passation des marchés publics, constitue le principal élément du corpus juridique réglementant cette opération. Mais, si l’étude relève que «cet arsenal juridique est conforme aux standards internationaux, d’autres éléments favorisent le développement de situations anticoncurrentielles». Ils sont principalement liés à l’environnement des passations des marchés, et au manque de professionnalisation du métier d’acheteur pour le compte des administrations publiques.
L’analyse effectuée par les experts du cabinet Mazars a été axée sur différents volets. Il s’agit notamment de la nature du marché et de son exécution, ainsi que celle des prix. L’étude de terrain a porté sur des départements ministériels, notamment l’Equipement, l’Agriculture, l’Energie, la Santé, mais aussi des collectivités locales comme les communes de Casablanca, de Rabat ou encore de Sidi Yahya.
Le diagnostic des procédures de passation des marchés publics de ces organismes permet de relever certaines remarques concernant les modalités d’attribution en fonction de la nature du marché. Celui des fournitures est généralement attribué selon la règle du moins disant. Idem pour les marchés des travaux. Par contre, les marchés des services ne sont pas soumis à la règle du moins disant, à cause de la complexité des prestations requises. D’où «le risque plus élevé de situations de non concurrence». Pour les trois catégories des marchés, l’étude a passé à la loupe les cinq étapes de leurs cycles de vie. D’abord au niveau du programme prévisionnel des administrations publiques. L’étude déplore «l’absence de sanctions en cas de non publication de ce programme». Surtout que cela est considéré comme créant une asymétrie dans l’accès à l’information entre concurrents. Au moment de la préparation du marché, «la réglementation ne précise pas qui doit définir les besoins spécifiques des administrations», a noté Tarik El Fekkak, manager senior au cabinet Mazars. Celui-ci a déploré qu’au niveau de l’éligibilité des soumissionnaires, «les barrières restent importantes, empêchant l’accès aux nouveaux entrants, notamment à cause de l’exigence de références». Ces barrières sont de trois sortes. D’abord réglementaires liées à la complexité de la procédure et aux critères de choix de l’offre. Les barrières structurelles concernent les exigences en matière d’infrastructures des prestataires et de leur expertise. Néanmoins, «les barrières stratégiques restent les plus importantes», selon El Fekkak. Elles sont liées au positionnement des prix, et aux réseaux relationnels des soumissionnaires. Au niveau de l’attribution des marchés, l’étude critique «le formalisme pensant et la défaillance du système de recours». En effet, «les administrations n’expliquent pas les raisons du refus des dossiers et se limitent à notifier aux entreprises non retenues qu’ils n’ont pas atteint la note minimale». Ces critiques s’étendent à la réalisation des marchés dont «la finalisation est peu réglementée et la vérification de la qualité n’est pas exigée». Ce qui peut constituer un moyen de détournement. D’où l’importance de la généralisation du contrôle et de l’audit, qui est actuellement automatique pour les marchés de plus de 5 millions de DH.


Leviers de réforme
Pour améliorer la situation actuelle, l’étude recommande d’améliorer l’accessibilité de l’information sur les marchés publics. Il s’agit également de miser sur la perception des opérateurs dont 36% estiment avoir fait l’objet d’une discrimination. Globalement, ce document insiste sur une série de leviers, dont notamment celui réglementaire à travers l’adoption du projet de décret du 12 novembre 2010 sur les marchés publics. Les experts du cabinet Mazars ont plaidé pour dépasser ce stade de décret et adopter une loi qui pourra constituer le Code des marchés publics. Ces leviers ont été déclinés en axes de travail et en actions à mettre en œuvre pour «améliorer le coût et l’efficacité de la dépense publique».
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