22/05/2012

La formation des élus doit être une priorité pour les pouvoirs publics

Une première du genre ! Un groupe d’experts RH et d’élus locaux ont lancé l’Université mobile des élus locaux (UMEL). Un démarche qui consiste à aller vers les élus pour leur dispenser des formations leur permettant de bien remplir leurs missions dans le sens du renforcement de la démocratie par la bonne gestion des affaires publiques.

En quoi consiste le projet de l’Université mobile des élus locaux (UMEL) que vous comptez lancer ? 

Statutairement, l’action de l’UMEL s’articule autour des axes suivants : conseils, formations et accompagnement des élus locaux ; partenariats et coopération internationale décentralisée ; organisation événementielle et sensibilisations ainsi que la réalisation des études et élaboration de rapports sur les thématiques  en relation avec les politiques locales/sectorielles.
L’UMEL est donc un concept novateur, il est à la fois un espace de formation, et surtout une plateforme d’action, c’est une fondation de formation et d’information dédiée aux élus locaux. Elle vise prioritairement dans un premier temps les élus des communes du monde rural et zones montagneuses qui ont beaucoup de difficultés à se former dans l’état actuel des choses. Il est question de proposer des modules de formations pratiques qui répondent directement aux besoins des élus locaux pour les aider à réaliser leurs missions. Dans un souci de faciliter la tâche aux élus, ces modules de formations seront directement dispensés au sein des locaux des communes clientes. Pour mettre en place ce projet, nous avons été accompagnés par un grand cabinet conseil international qui a une grande expérience à la fois dans les domaines du conseil et de la formation dans plusieurs pays.
Sur le plan méthodologique, et pour élaborer le contenu ces modules de formation, nous sommes partis des compétences des communes telles qu’elles sont arrêtées par la dernière charte communale, ces modules seront aussi enrichis in situ selon la demande des clients, et en fonction du contexte de la commune et de son Plan communal de développement (PCD). 
Pour des raisons de commodité, l’expérience pilote va démarrer dans la région administrative de Tanger/Tétouan, ensuite, il est question de réfléchir à l’extension de la zone d’action de la fondation.
Des séances d’information seront organisées pour expliciter le concept, et chercher des partenaires intéressés par notre projet, car nous voulons aussi nous inscrire en complémentarité d’autres acteurs de la formation. 

Pensez-vous que la formation des élus fait défaut chez nous ? Pourquoi ?

Il n’y a pas de formations organisées par l’Etat au Maroc destinées aux élus locaux, ce qui est une aberration totale vu le contexte, car ce sont les élus qui décident dans les collectivités locales et territoriales. Ils doivent bien connaître le droit, avoir de bonnes notions en gestion et savoir communiquer.
Il existe actuellement uniquement des actions de formations organisées dans le cadre de projets de la coopération internationale. Dans le nord, par exemple, c’est l’Espagne qui occupe le plus le terrain, il y a aussi la coopération belge ces derniers temps, la France est présente également, mais ce sont les Américains qui sont de plus en plus intéressés par cette zone du Royaume, et ce, depuis qu’un rapport a mentionné que beaucoup de djihadistes partent de Tétouan pour aller combattre en Irak. Il faut préciser que c’est presque exclusivement les élus citadins qui bénéficient de ces opportunités. Dans plusieurs régions, ces actions sont accaparées par une clientèle constituée des proches des maires ou des présidents de conseils régionaux. Nous avons écrit à certains organismes pour les sensibiliser à cette question de népotisme et de clientélisme, mais ceci n’a rien changé. 
La formation des élus n’est pas une priorité des pouvoirs publics au Maroc. Nous proposons de la rendre obligatoire dès qu’une personne est élue. Certains reprochent aux élus leur incompétence, mais il y a encore plus incompétents, ce sont ceux qui nous répètent cela depuis des décennies, et ils ne font rien pour changer les choses, alors qu’on a la charge de gérer le pays.  Refuser la formation aux élus est un mode de gestion politique qui relève d’une logique de perpétuer la domination,  pour garder le pouvoir au profit de certains. 

Comment vous comptez concrètement associer les communes à votre projet ?

La question est importante, il s’agit de mettre en place un système viable sur le long terme, alors que sur le plan commercial nous allons opter pour un système d’abonnement annuel des communes pour bénéficier des formations. 
Les ministères, les offices publics, les conseils régionaux et provinciaux peuvent aussi payer des formations à des communes pauvres, tout comme certaines grandes entreprises du pays. Dans ce dernier cas, il est indispensable de respecter la règle des conflits d’intérêts. Notre objectif est de stimuler les communes pour faire de la formation un axe pour le changement dans les territoires. Un pari ambitieux, mais réalisable. Les communes doivent savoir qu’il y a maintenant moyen de faire bénéficier les élus de formations en fonction des besoins, il suffit de le décider et de le budgétiser ; elles ont la possibilité de le faire, car elles sont décideurs sur le sujet. 
La nouvelle charte communale oblige les communes à avoir un plan stratégique communal, or ce dernier va rester un catalogue de bonnes volontés sans un volet important de la formation.  

Généralement, quels sont les types de formation que vous allez proposer ?
Il y a au moins deux types de formation. D’un côté un cycle de formation qu’on peut qualifier de généraliste dont les thèmes sont riches et standards, on peut en citer à titre d’exemple :  la comptabilité et précisément les techniques de lecture des documents comptables, la fiscalité et les finances locales, l’aménagement et l’urbanisme, la passation de marchés, le code de la famille, la collecte des ordures, hygiène et sécurité, les statuts de la fonction publique. De l’autre côté, il y a des cycles spécialisés d’approfondissement très axés sur une problématique déterminée ou un domaine particulier : la conduite du changement, l’évaluation des politiques publiques, les dispositifs d’actions et stratégies sectorielles, l’Initiative nationale de développement humain (INDH), la gestion de projets, la délégation des services publics, l’informatisation des services… 
Par ailleurs, il est prévu de proposer des cycles de formation certifiant pour des métiers de collaborateurs aux cabinets ministériels et aux collectivités territoriales. Nous sommes choqués par le profil de certains collaborateurs dans les collectivités et les ministères. 
Nous avons pris contact avec une grande université étrangère, et un grand institut de formation en France mondialement connus pour les formations de cette nature. Une réunion est prévue, nous allons aussi contacter des universités et des fondations au Maroc.
Quels sont les impacts attendus ?
Cette nouvelle entité se veut à la fois un cadre de réflexion, mais surtout une plateforme d’action pour accompagner les élus locaux afin de les doter d’idées et d’outils nécessaires pour se construire un référentiel d’action conforme à la charte communale. Cette entreprise est de nature à mieux aider les élus locaux à saisir les enjeux des mutations sociales et institutionnelles en cours, pour échapper aux tentations populistes et au repli sur soi prôné par certains dans le monde rural et les régions isolées. Cette initiative va certainement contribuer à un meilleur service des citoyens et avoir un impact positif sur les pratiques de la démocratie locale et enrichir davantage le débat public afférent aux politiques publiques locales.
En quoi consiste cette université ? Quelles sont les formations dont doivent bénéficier les élus ? Explications avec Abdallah El Jout, expert RH et président de l’Association des élus locaux de la région Tanger/Tétouan.