15/06/2011

l'allotissement est le droit commun des Marchés publics .... en France bien entendu

L’allotissement dans le cadre des Marchés Publics
La volonté générale qui prévaut dans le Code de Marchés Publics est de favoriser la concurrence aux candidats à la commande publique tout en essayant de faciliter l’accès aux entreprises de petites tailles aux offres de marchés de la personne publique.
L’allotissement permet ainsi de répondre à ces objectifs. En effet, en divisant en lots les différentes prestations demandées, cela permet d’une part de diminuer le montant de certains Marchés tout en augmentant le nombre d’offres de Marché. Par conséquent, le nombre d’offres étant accrues, on a d’avantage d’entreprises qui pourront y répondre.
Article 10 du CMP
« Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de ien=cid">l'article 27.A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus. Si plusieurs lots sont attribués à un même titulaire, il est toutefois possible de ne signer avec ce titulaire qu'un seul marché regroupant tous ces lots.
Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination.
Si le pouvoir adjudicateur recourt à des lots séparés pour une opération ayant à la fois pour objet la construction et l'exploitation ou la maintenance d'un ouvrage, les prestations de construction et d'exploitation ou de maintenance ne peuvent être regroupées dans un même lot. S'il recourt à un marché global, celui-ci fait obligatoirement apparaître, de manière séparée, les prix respectifs de la construction et de l'exploitation ou de la maintenance. La rémunération des prestations d'exploitation ou de maintenance ne peut en aucun cas contribuer au paiement de la construction. »
Le Conseil d'État vient de rappeler récemment dans un arrêt en date du 23 juillet 2010 lors d'une affaire portant sur un Marché public de service de gardiennage, la conception de l'allotissement en réaffirmant la règle posée à l'article 10 du CMP. (CE, 23 juillet 2010 Région Réunion n°338367.)
En effet il rappelle aux pouvoirs adjudicateurs que la règle du recours au Marché Global doit demeurer l'exception au principe du recours à l'allotissement.
Par cet arrêt on voit particulièrement le raisonnement en deux temps adopté par le juge.
-Dans un premier temps le magistrat regardera si l'objet du marché permet l'identification de prestations distinctes
-Dans un second temps si prestations distinctes il y a, le juge vérifiera ensuite si la dévolution des lots séparés serait de nature à restreindre la concurrence ou qu'elle risquerait de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations.
Si ce n'est pas le cas et que le pouvoir adjudicateur a eu recours à un Marché Global, celui ci viole l'article 10 du CMP qui fait de l'allotissement le droit commun des Marchés Publics.

Dans cet arrêt, le Conseil d'État a reconnu le caractère distinct de prestation de gardiennages et de surveillance en raison de leur répartition géographique
L'esprit qui se dégage de cet article 10 et de son application jurisprudentielle est de ne recourir au Marché global seulement de manière exceptionnelle. Le juge étant le garant du recours à l'allotissement.
A) Le droit commun de la commande Publique: L'allotissement.
L’allotissement est une technique qui offre la possibilité, lorsque le Marché Public permet l’identification de prestations distinctes de décomposer ce dernier en plusieurs lots. Le lot se définissant comme une unité autonome pouvant être attribué de manière distincte à différents candidats. Comme nous l'avons vu au travers de la récente actualité jurisprudentielle  le recours à l'allotissement est le principe. Ce recours de principe est justifiée par le fait que ce dernier est un outil aux services du libre accès à la commande publique, à l'égalité de traitement des candidats et surtout à la libre concurrence entre les entreprises désireuses de répondre aux besoins des personnes publiques. On divise pour mieux faire jouer la concurrence.
La décomposition en lots qui ne fait  pas faire perdre le bénéfice d’un regroupement, permet au pouvoir adjudicateur de réaliser des économies ce qui contribue directement à l'esprit de performance et de réductions des couts de fonctionnement de l'État imposé par la réforme générale des politiques publiques. L'allotissement se dessine donc également comme un outil de mise en œuvre des  politiques publiques actuelles.
Le CMP pose néanmoins une limite fondamentale au recours à l'allotissement. En effet, ce dernier énonce que le pouvoir adjudicateur ne peut pas se soustraire à l'application du CMP en scindant ces achats. C'est pour cela que ce même article dispose qu'en cas de marché allotis c'est la valeur de la totalité des lots qui est prise en compte pour déterminer la procédure applicable.
L’article 10 dispose  que le pouvoir adjudicateur est  libre dans le choix du nombre de lots.
Cependant il devra prendre en compte pour ce choix :
- des «caractéristiques techniques des prestations"
- de la "structure du secteur économique en cause"
- des "Règles applicables à certaines professions».
Le conseil d'État a récemment jugé au sujet du nombre de lots qu'il n'exercerait qu'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation en cas de contestation devant les juridictions administratives, en raison de la liberté de choix offerte par le CMP en la matière ( CE, 21 mai 2010  commune d'Ajaccio.)
Le principe est donc la liberté de choix du nombre de lots pour le pouvoir adjudicateur
B) Le Caractère exceptionnel du recours au Marché Global
i) Le marché ne peut être divisé en Lots
Par dérogations au principe du recours à l'allotissement  il existe plusieurs cas  limitativement énumérés par le CMP qui permettent de recourir au Marché global.
En premier lieu il y a le cas de l'impossibilité d'identification de prestations distincte dans ce cas, les prestations ne peuvent être distinguées ou la prestation est unique donc indivisible.
Le conseil d'État donne des exemples de prestions distinctes:
-        les activités de gardiennage en raison de leur répartition géographique (CE, 23 juillet 2010 Région Réunion n°338367.). En l'espèce le contrat de gardiennage concernait 4 sites administratifs de la région de la Réunion, le Conseil d'Etat malgré l'identité des prestations fournies sur les 4 sites a considéré que le fait que ces prestations en raison du caractère distinct des lieux où elles étaient effectuées devaient elles mêmes être considérées comme distinctes et par conséquent le marché se devait d'être alloti.

-        la mise aux normes de feux tricolores et l'installation d'éclairages publics (CE, commune de Fort de France, 20 mai 2009)
-        installations de chauffage et traitement de l'air dans des collèges (TA, Amiens GDF-SUEZ, 13 juillet 2009)
Ainsi le pouvoir adjudicateur doit toujours bien étudier les possibilités de divisions de prestations pour éviter en cas de négligence de sa part de voir son Marché Global censuré par le juge.
ii) Le marché peut  être divisé en lots.
Dans le cas où le Marché peut être divisé en lots,  le pouvoir adjudicateur dispose de la possibilité d'un recours au Marché Global en justifiant son choix à l'appui d'une des 3dérogations limitativement énumérées à l'article 10 du CMP.
Ces 3 dérogations sont alternatives TA Paris, ord. 24 nov. 2008, n° 0817554, Sté Protim. Cela signifie que le pouvoir adjudicateur peut justifier le recours au marché global en utilisant seulement une des dérogations du CMP. Ces dérogations ne sont donc pas cumulatives.
Le conseil d'Etat confirma cette jurisprudence: CE, 11 août 2009 Communauté Urbaine de Nantes Métropole
-a) La première dérogation au recours à l'allotissement est le cas où le pouvoir adjudicateur estime que la dévolution en lots risque de restreindre la concurrence.
En pareil hypothèse la division en lots est certes possible, mais elle restreint la concurrence. Les conséquences du recours à l'allotissement sont donc contraires aux finalités de ce dernier ce qui explique la possibilité offerte par l'e CMP de ne pas y recourir.
-b) La seconde dérogation est le cas où le recours au Marché alloti risque de rendre techniquement difficile ou  financièrement coûteuse l'exécution des prestations.
Certains Marchés sont en effet plus coûteux et plus difficile à exécuter lorsque ces derniers sont allotis, les coûts de gestion sont plus importants et les problèmes liés à leur exécution se voient multipliés du fait de la multitude de prestataires différents.
L'impact financier du recours à l'allotissement doit être important, le Conseil d'État a récemment jugé qu'une hausse de 2 % du coût du Marché en ayant recours au Marché allotis ne justifie pas le recours au Marché Global (CE, communauté Urbaine de Nantes, 11 août 2009)
CE, 9 décembre 2009, Département de l’Eure dans cet arrêt le Conseil d'État considère qu'il faut une  réduction significative du coût des prestations « au moment du choix entre des lots séparés ou un marché global » pour permettre de justifier le recours au Marché Global.
CE, commune de Fort de France, 20 mai 2009, le Conseil d'État a admis le recours au marché global en considérant que la mise aux normes de feux tricolores et l'installation d'éclairages publics seraient rendus techniquement difficile par le recours à un Marché allotis.
-c)La dernière dérogation est le cas où le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. Cette dernière dérogation est le plus souvent invoquée par les communes. En effet, ces dernières n'ayant pas toujours la possibilité d'assurer elles mêmes les missions d'organisations, elles sont amenées à recourir au service de prestataires chargés de veiller à la coordination des travaux et prestations objet du Marché Public allotis ce qui engendre d'importants coûts pour les municipalités qui pourraient être évités par le recours au Marché global.
A travers la jurisprudence on remarque fréquemment que pour les deux dernières dérogations le juge administratif est moins sévère avec les pouvoirs adjudicateurs telles que les communes car leurs petites tailles et leurs budgets moins importants que ceux des Ministères, régions ou département ne leur permettent pas toujours d'avoir les moyens humains et matériels pour recourir à la technique de l'allotissement.
Il est à  noter que le pouvoir adjudicateur n'aura à justifier du recours au Marché global qu'en cas de recours contentieux contre le Marché litigieux. Il est cependant recommandé au pouvoir adjudicateur de conserver tous types de justificatifs qui permettraient en cas de saisine du tribunal administratif de motiver le recours au marché Global.
En cas de  recours contentieux le pouvoir adjudicateur devra donc justifier du recours au Marché Global en expliquant soit qu'il se trouve face a un risque d'augmentation du coût, soit d'exécution techniquement difficile, soit  de complexité peu surmontable des charges d'organisation, de pilotage de restriction de la concurrence ou de coordination. TA, Lyon 21 juin 2010
Le conseil d'État annulera toujours les Marché Publics qui ne sont pas justifiés par les dérogations de l'article 10 du CMP
Conseil d'État, 29 octobre 2010 SMAROVL
Le pouvoir adjudicateur "n’établit ni que l’allotissement du marché rendrait son exécution techniquement difficile, ni qu’il ne serait pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination" par conséquent le recours au Marché Global fut annulé par le juge administratif.
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