02/12/2011

Marchés publics : Tout ce que vous devez savoir… de A à Z

L’accès aux marchés publics n’est pas seulement une question de réglementation, mais aussi de pratique, d’organisation et de mode de management des acheteurs publics, de politique de la formation…

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■ Le décret n°2-06-388 du 5 février 2007 facilite l’accès aux informations relatives aux marchés publics sur support électronique.
■ Une troisième réforme est en voie d’être décrétée régissant les formes et procédures de passations des marchés publics de l’Etat.
■ Le mécanisme du recours nécessite ainsi une révision devant garantir son indépendance et son efficacité.

Dans le «Guide des marchés publics» à l’intention des entreprises, Hicham Ettezguini, son auteur, vulgarise la démarche à suivre de A à Z. 
✔ Finances News Hebdo : Comment vous est venue l’idée d’écrire le Guide des marchés publics ?
✔ Hicham Ettezguini : A vrai dire, l’idée d’écrire mon ouvrage intitulé «Guide des marchés publics à l’intention des entreprises» est le fruit de l’interaction de plusieurs éléments : ma formation universitaire en droit, mon expérience professionnelle dans le domaine des achats publics, qui a commencé en 2005 au sein de l’EACCE, ainsi que mes travaux de recherches en la matière. D’ailleurs, en 2006, j’ai élaboré pour le compte de mon employeur quatre rapports qui présentent le processus de passation et d’exécution des marchés publics.
C’est à partir de là qu’est née l’idée du projet : écrire un guide destiné aux entreprises et non pas aux maîtres d’ouvrage car, à ma connaissance, les ouvrages techniques disponibles à l’heure actuelle s’adressent surtout aux gestionnaires publics. 

✔ F. N. H. : Dans l’introduction vous qualifiez la réglementation régissant les marchés publics de réglementation en perpétuelle mutation et comportant des dispositions exorbitantes des règles commerciales privées. Peut-on avoir quelques exemples de ces dispositions et dans quelle mesure elles rendent difficile l’accès aux marchés publics. 
✔ H. E. : Il s’agit ici de comprendre les caractéristiques de la réglementation des marchés publics. Pour ce faire, je vous présente d’abord l’exemple comparatif suivant : la fonction achat au secteur privé est exercée selon des procédures souples prescrites par chaque entreprise tenant compte de ses intérêts. Or, l’acheteur public, qui agit pour l’intérêt général, doit respecter les principes universels de la commande publique qui se traduisent en un arsenal de règles formelles comme les délais de publicité, les seuils de procédure, les enveloppes, ainsi que les dossiers, les pièces justificatives, etc. En pratique, l’observation de ces règles constitue une charge de travail colossale aussi bien pour les maîtres d’ouvrage que pour les soumissionnaires.
Ceci dit, il faut savoir encore que, au bout de dix ans, le décret régissant les formes et procédures de passations des marchés publics de l’Etat a connu deux réformes majeures respectivement en 1998 et 2007. Une troisième est en cours ! Or, cette dynamique juridique, si elle est positive, nécessite de la part des entreprises une activité de veille juridique ou une formation en continu de leurs personnels dédiés. 
Ce sont ces caractéristiques (formalisme et dynamisme) que les entreprises doivent comprendre avant de les apprendre. Sinon, elles finissent par être découragées, éventuellement, à participer aux marchés publics ou compliquent encore leur participation, notamment en absence de l’expérience et des ressources humaines qualifiées. Et c’est le cas pour les PME et les PMI nouvellement créées en particulier. 

F. N. H. : Dans votre guide vous évoquez les sources d’informations relatives aux marchés publics. Aujourd’hui, pensez-vous que l’accès à l’information même soit facile ?
H. E. : D’abord, il faut savoir que mon ouvrage traite des marchés publics selon l’approche processus. Les sources d’informations évoquées constituent le point de départ ou éléments d’entrée pour toute entreprise qui envisage de participer aux appels d’offres. Il s’agit, bien entendu, des programmes prévisionnels des marchés publics, des avis d’appel public à la concurrence, des dossiers de consultation voire de la réglementation tout entière.
Ces informations sont aujourd’hui facilement accessibles car le décret n˚ 2-06-388 du 5 février 2007, actuellement en vigueur, a prévu la création du Portail Marocain des Marchés Publics. Il s’agit d’un support électronique de publication des informations relatives aux marchés publics. Ce site, opérationnel depuis 2007, est disponible en deux langues et accessible gratuitement à partir de cette adresse (www.marchespublics.gov.ma).  
Auparavant, les procédures de passation des marchés se déroulaient uniquement sur la base des supports matériels (papiers). A cet effet, les entreprises n’avaient pas d’autre choix que de fouiller les pages des journaux pour prospecter les opportunités de marchés et supporter de divers et longs déplacements pour obtenir les dossiers de consultation auprès des acheteurs publics répartis sur le territoire national. Aujourd’hui, la prospection de ces opportunités devient une affaire de simples clics. D’où l’intérêt d’évoquer et d’expliquer ces sources d’informations dans mon ouvrage.

✔ F. N. H. : Suivant votre expérience, où réside la difficulté pour une PME d’accéder aux marchés publics ?
✔ H. E. : Souvent les gens remettent en cause la réglementation des marchés publics comme sources de difficultés. Ce postulat, valable à son époque, est devenu aujourd’hui un préjugé. Au fait, notre pays dispose d’une réglementation conforme aux standards internationaux comme le témoignent la BM et l’OCDE*. A partir de ces témoignages, on peut dire que l’entreprise marocaine, PME ou autre, accède aux marchés publics dans des conditions réglementaires presque similaires à ses homologues dans les pays développés et que les contraintes liées à une génération donnée de réglementation sont un mal nécessaire pour son temps !

✔ F. N. H. : Où réside le problème alors pour les PME ? 
✔ H. E. : D’abord, les délais réglementaires de paiement sont jugés long, pis encore s’ils ne sont pas respectés. La trésorerie des PME supporte mal un délai de 90 jours, sans compter les éventuels retards. 
Généralement, la réglementation des marchés publics, dans son ensemble, n’est que la partie émergente de l’iceberg. La question de l’accès aux marchés publics trouve ses origines aussi dans la pratique, l’organisation et le mode de management des acheteurs publics, dans la politique de la formation et dans la situation sociale des agents publics en particulier ceux qui interviennent dans le processus des achats publics. Je pense que les difficultés rencontrées par les services des acheteurs publics se répercutent éventuellement, directement ou indirectement, volontairement ou involontairement, sur les prestataires notamment les plus vulnérables d’entre eux, les PME en l’occurrence !
Ensuite, d’autres difficultés proviennent des entreprises elles-mêmes. Certes, les PME recrutent du personnel qualifié dans le domaine technique, commercial et comptable, or ce personnel, souvent chargé aussi de réponse aux marchés publics, ne dispose pas nécessairement d’une culture administrative et juridique, surtout pour une discipline à caractère administratif, formel et dynamique. Pour combler de pareilles lacunes, les pouvoirs publics en France et les organisations professionnelles collaborent pour éditer des guides et mettent en place le Réseau Commande Publique qui constitue un dispositif pédagogique de conseil et d’accompagnement des PME en la matière. Pour conclure, l’amélioration de l’accès de cette catégorie d’entreprises aux marchés publics exige la contribution de plusieurs acteurs : l’Etat, les acheteurs publics, les entreprises privées et les organisations professionnelles. A défaut de cette complicité positive, tout traitement unilatéral ou partiel est de nature à rendre l’intervention des deux parties- et les entreprises et les acheteurs publics- toujours complexe et peu efficace. 

✔ F. N. H. : Quelles sont les voies de recours pour une entreprise qui estime avoir été lésée alors qu’elle aurait fait la meilleure offre ? Ou bien pour dénoncer des pratiques déloyales ?
✔ H. E. : Si le concurrent constate que l’une des règles de la procédure de passation des marchés n’a pas été respectée, ou conteste les motifs de l’élimination de son offre par la commission, il peut, dans les délais réglementaires impartis, introduire une réclamation ou contestation auprès des autorités compétentes qui sont respectivement le maître d’ouvrage, le ministre de tutelle et le Secrétariat Général du Gouvernement(SGG). Il va sans dire que la contestation devrait être fondée et comporter des arguments valables.
Ensuite, le ministre peut soit ordonner de procéder au redressement de l’anomalie, soit décider d’annuler la procédure. Toute décision prise en vertu de ce recours doit mentionner les motifs et les circonstances de son adoption et doit être portée à la connaissance du concurrent auteur de la réclamation. 
Insatisfait encore, le concurrent peut adresser une requête circonstanciée au SGG. Ce dernier peut saisir la Commission des Marchés pour examiner cette requête. 
Malheureusement, les interventions du ministre, du SGG et de la Commission des Marchés ne sont pas encadrées par des délais 
stricts ! Le mécanisme du recours nécessite ainsi une révision pour garantir son indépendance et son efficacité de manière à permettre aux entreprises de sauvegarder leurs intérêts.
Le contestataire peut opter pour le recours juridictionnel. Les tribunaux compétents sont saisissables pour des infractions plus nombreuses que celles permises dans le recours administratif. 
Finalement, qu’il opte pour le recours administratif ou juridictionnel, le chef de l’entreprise concernée doit avoir le courage et se libérer de ladite «sanction masquée» de l’administration contestée ! La nouvelle Constitution ouvre de nouveaux horizons juridiques et apporte énormément de garanties concernant les fondements de l’Etat de droit, les principes de la concurrence libre et loyale et la prévention et la répression des infractions liées aux marchés publics. L’effectivité de ses dispositions est une affaire de tous les Marocains et Marocaines. ■
Propos recueillis par Imane Bouhrara
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(*) «Les prévisions du nouveau décret (décret de 1998) sont fondées sur des principes d’économie, de transparence et d’efficacité, et s’inspirent largement des pratiques internationales actuelles» Rapport analytique sur la passation des marchés, Royaume du Maroc, BM, 2000. P i
«Il (décret de 2007) donne un cadre détaillé pour la passation des marchés publics, qui est conforme aux principes de bonne gouvernance qui guident les efforts au niveau international». Renforcer l’intégrité dans les marchés publics : Étude d’apprentissage mutuel au Maroc, Beth, E. et A. Hrubi, OCDE, 2008. P 7

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